Lions indomptables du Cameroun: Reconstruction de l’équipe et «camerounisation» du poste de sélectionneur sont-ils inconciliables ?

Le départ annoncé du patron espagnol du banc de touche de la sélection camerounaise semble reléguer aux oubliettes la responsabilisation d’un national comme entraîneur-sélectionneur. Puisqu’un autre « sorcier blanc » est annoncé pour prendre la relève de Javier Clemente.

Christophe Bobiokono – cbobio@gmail.com

Le ministre camerounais de la Communication, porte-parole du gouvernement, recevait la presse hier, 12 octobre 2011, pour réagir, notamment, « en cette période électorale […] aux publications d’un certain nombre d’organes de presses étrangers [très critiques] au sujet du président de la République (Paul Biya) ou du fonctionnement [des] institutions [de la République] », au procès fait à Elecam, l’organisme chargé de la conduite du processus électoral sur le déroulement scrutin présidentiel du 9 octobre dernier et à la polémique déclenchée par le décès brutal d’une électrice ce même jour à Bandjoun, dans l’Ouest du pays. Alors que ces sujets passionnent encore les Camerounais, un autre s’est imposé à de nombreux journalistes présents. Le sort réservé à Javier Clemente, le sélectionneur des Lions indomptables du Cameroun, l’équipe nationale de football, est venu voler la vedette au sujet politique du jour.

Depuis la confirmation, samedi dernier, de l’élimination du Cameroun de la Coupe d’Afrique des Nations de football qui se déroulera l’année prochaine au Gabon, le problème de l’encadrement technique est revenu au centre des préoccupations des fans, mais aussi des dirigeants du football du pays. Aux commandes de la sélection, le technicien espagnol Javier Clemente et ses deux adjoints camerounais, François Oman Biyick et Jacques Songo’o, sont sur la sellette. Accusés de n’avoir pas pu qualifier l’équipe nationale pour la Can, ils sont invités par un clan à démissionner. Des noms de quelques successeurs potentiels circulent déjà, tel celui du Français Denis Lavagne, manager de Cotonsport de Garoua, qui serait pressenti pour devenir le sélectionneur. Après qu’une rumeur ait annoncée l’arrivée possible de Raymond Domenech, l’ancien sélectionneur de l’équipe de France, avant de mourir…

Absence de résultats

Qu’est-ce qui justifie le besoin de départ du technicien espagnol du Cameroun alors qu’une telle éventualité tend justement à confirmer l’instabilité devenue chronique sur le banc de touche des Lions indomptables depuis quelques années ? Steve Djouguela, journaliste sportif très introduit à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), croit savoir que le staff technique de l’équipe nationale est accusé de manquer d’efficacité. Citant les propos tenus par Michel Zoah, le ministre des Sports et de l’Education physique, le jour de l’installation de Javier Clemente, il rappelle : « il y avait bien un impératif de résultat dans le contrat du technicien espagnol qui devait non seulement nous qualifier pour la Can, mais aussi nous amener au moins en 1/2 finale de cette compétition ». L’élimination des Lions indomptables, situation inédite depuis plus de trois décennies, aurait donc scellé le sort du technicien.

Le journaliste ajoute qu’en plus de ses médiocres résultats à la tête des Lions indomptables, il serait reproché au technicien espagnol de ne pas être assez concerné par son travail au Cameroun : « Non seulement il ne respecte pas son engagement de passer 15 jours sur 60 au Cameroun, mais en plus, explique Steve Djouguela, il est venu au stade avec sa valise et a pris le chemin de l'aéroport une fois le coup de sifflet final donné que ce soit en Ile Maurice, à Garoua et même à Dakar, ». Par ailleurs, apprend-on de sources ayant requis l’anonymat, « le technicien espagnol serait très proche de Samuel Eto'o », ce qui n’est pas défaut. Mais il se serait opposé à la sanction du capitaine des Lions indomptables, coupable « d’indiscipline » aux yeux de certains, pour s’être opposé au remplacement de Choupo-Moting au cours de la rencontre ayant opposé le Cameroun au Sénégal. Une relation sélectionneur-capitaine qui frustrerait les autres têtes couronnées de la tanière des Lions…

Encore un sorcier blanc ?

Quid dans ce cas du sort des adjoints de Javier Clemente que la rumeur place dans le même bateau de départ que ce dernier ? François Omam Biyick et Jacques Songo’o paieraient tout simplement pour leur « absence de personnalité », selon des sources qui requièrent l’anonymat. Ils n’auraient pas suffisamment servi de contrepoids dans la sélection de certains joueurs. Un reproche surprenant, quand on sait qu’un adjoint ne saurait se poser en rival du responsable principal, dans toutes les organisations qui se veulent sérieuses. A moins de programmer le désordre…

En attendant que le départ de Javier Clemente soit officialisé, certaines sources annoncent un nouveau « sorcier blanc » pour prendre son relais. Nos confrères de Starafrica.com, citant sous anonymat une source bien informée du ministère des Sports indiquent « [qu’]Il a été décidé de confier l’encadrement technique des Lions indomptables à Denis Lavagne, entraîneur français actuellement en fonction dans Cotonsport de Garoua. Il aura pour adjoint Martin Ndtounou Mpille et Thomas Nkono aura en charge l’entraînement des gardien de but » Cette source aurait également indiqué que l’entrée en fonction du nouveau staff est imminente eu égard aux récentes rencontres en tête-à-tête qui auraient réuni Tombi A Roko, le secrétaire général de la Fécafoot, et Michel Zoah, le ministre des sports.

Il y a quelques mois, en juillet 2011, une telle perspective semblait pourtant exclue. Pendant les semaines qui ont précédé la coupe du monde des juniors en Colombie, rappelle Steve Djouguela, « l'on parlait de Martin Ndtoungou comme potentiel futur sélectionneur national, avec comme adjoint Richard Towa ». Mais, selon nos sources, après la prestation des juniors et les soupçons de vente de place qui pèsent sur Ndtoungou depuis cette coupe du monde, le dossier aurait été classé, même si l’on reparle de Ndtoungou aujourd'hui comme adjoint de Denis Lavagne à la tête des Lions. Contre la Pologne, après son retour sur le banc des Lions, et en l’absence de Javier Clemente, Jacques Songo’o avait monté une équipe conquérante. Les griefs officieusement faits à un ou deux Camerounais ne peuvent pas hypothéquer raisonnablement la promotion d’un national sur le banc de touche des Lions indomptables. A moins qu’il y ait une anguille sous roche.

C.B.